L'Instant Ciné de Leah Marciano : Le Redoutable de Michel Hazanavicius
13 sept. 2017
Leah Marciano nous livre à nouveau son regard d'experte sur les sorties cinéma. Aujourd'hui, elle évoque le nouveau film de MIchel Azanavicius : Le Retoutable.
N'ayons pas peur des mots, c'est le meilleur film d'Hazanavicius. A la fois brillant et drôle, c'est une quintessence de tout son talent en un sujet : Jean-Luc Godard.
Tantôt adulé, tantôt malaimé, ce réalisateur ne sait d'ailleurs pas lui-même sil s'adore ou se renie. Là où le film me captive c'est qu'il ne me parle pas de ce réalisateur qui fait des films qui m'indifférent totalement, mais d'un humain que je déteste allègrement.
Il me parle de Jean-Luc plutôt que de Godard, et c'est dans une logique à la fois voyeuse et artistique qu'on filme son quotidien avec sa femme Anne Wiazemsky.
Godard est un révolutionnaire, et après avoir révolutionner le cinéma il va se révolutionner lui-même.

Louis Garrel et Stacy Martin
Ce personnage antipathique et réactionnaire va aller jusqu'à renier ses propres films pour avoir l'impression d'exister autrement.
Niveau casting, on retrouve une Berenice Bejo juste et sans surprise, un caméo remarqué et remarquable de Jean-Pierre Mocky mais surtout deux héros habités par leur rôle. Stacy Martin est douce, apeurée, seule et perdue, et bien sur au bout de 15 années de carrière il était temps, Louis Garrel se révèle enfin et quitte son emploi réducteur de bobo parisien taciturne et faussement lunaire.
En plus d'une ressemblance physique troublante, il créé réellement un personnage, il compose, il interprète, et quand on n'est pas habitué, ça peut surprendre.
Il ne s'agit pas d'un biopic, d'ailleurs faire un biopic sur un homme vivant serai probablement de mauvais goût, il ne s'agit pas non plus d'une hagiographie ni d'un procès, c'est une tranche de vie, un moment charnière dans la vie de Godard où il glisse lamentablement vers l'enfer, oubliant petit à petit sous nos yeux impuissants que le cinéma ce n'est pas seulement de la politique, mais avant tout de l'art.

D'ailleurs dans ce film JeanLuc Godard fait tout, sauf du cinéma. Le film atteint le point médiant assez rare entre le film à sketch et la tragédie, une ambiance qui nous rappellera tendrement « J'ai toujours rêvé d'être un gangster » de Samuel Benchetrit.
Et pourtant, on reste dans de la comédie pure, genre de prédilection du réalisateur du Grand Détournement et de OSS 117, mais ici on glisse vers le subtil et comme un bon vin Hazanavicius s'améliore avec les années et son humour gagne en maturité, il s'affine, probablement en adéquation avec les sujets qu'il choisi.
Les dialogues sont exquis et le rythme est réglé au métronome.
Cette comédie a des airs de pastiche de Godard, réalisateur dont le style pompeux nous lasse alors qu'ici cette mise en scène est une force et un véritable vent de fraicheur.

Hazanavicius ne se contente pas de pasticher, il manie la mise en abime et le regard caméra comme personne, tout ce qui fait que Godard, c'est Godard, Hazanavicius se l'approprie et fait que Godard c'est Hazanavicius et inversement.
La mise en scène est virtuose, on est face à un fourmillement d'idées folles, les décors sont aussi contrasté que la personnalité de Godard, on est à la fois dans un appartement calme aux couleurs vives et dans des rues parisiennes grises et hantés par la rage de mai 68.
Les premiers plans, les second plans, les arrières plans, tout est maitrisé au millimètre.
D'ailleurs, Hazanivicius a un sens inné du timing. Inné ça veut dire quoi ? ça veut dire qu'il ne fait même pas exprès de sortir un film en 2017 avec un journal au premier plan qui titre en gros « SHEILA ENFIN HEUREUSE ».
On arrive au dénouement de cette épopée à bout de souffle et on ne ressent plus que du Mépris pour un personnage qui fait bande à part et qu'on n'aimait déjà pas beaucoup depuis le premier plan. Une sorte d'anti-héros assumé et le pari réussi de nous faire ressentir de la tendresse, de l'attachement et même de l'empathie pour ce personnage redoutable.

Le Redoutable, de Michel Azanavicius, d'après l'oeuvre d'Anne Wiazemsky, actuellement à l'affiche.
Avec : Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Béjo, Micha Lescot, Grégory Gadebois, Jean-Pierre Gorin, Jean-Pierre Mocky, Tanya Lopert, Eric Marcel, Marc Brun-Adryan, Louise Legendre, Marc Fraize, Olivia Forest, Gerardo Maffei.