D.A.F Marquis de Sade : Une plongée dans les pensées d'un libertin.
19 janv. 2013
Donatien Alphone François Marquis de Sade... Un nom qui résonne de manière particulière. On peut se demander ce qu'il évoque de nos jours. Qu'y a-t-il au delà de la réputation sulfureuse de celui qui a donné son nom au sadisme?
Peut-on résumer l'auteur et l'homme qu'il fut à l'oeuvre érotique qu'il nous a laissée?
Libertin, libre penseur, Sade qui passa près de 30 ans de sa vie emprisonné pour des actes d'une extrème violence et de cruauté (on parle de fustigations, tortures, meurtres, incestes, viols...) mais également pour ses écrits, dérangeait ses contemporains, sa famille.
Le fameux Marquis qui disait très justement : "Les entractes de ma vie ont été trop longs" était donc voué à devenir le personnage central d'une pièce!
Cette pièce, D.A.F Marquis de Sade, magnifiquement bien écrite par Pierre-Alain Leleu, est jouée depuis le 9 janvier 2013 au Ciné 13 Théâtre.
On y découvre Le Marquis de Sade en 1784, qui après avoir passé 6 ans dans les geôles de Vincennes, est transféré à La Bastille. Il y fait la connaissance de son gardien, Lossinote, qui de façon consciente ou non, devient l'objet de l'amusement de Sade, à force de provocations et d'accrochages.
Le paradoxe de l'emprisonnement étant d'avoir cette liberté de tout imaginer, Sade s'invente une présence féminine, tout à tour conscience, tentatrice ou vertueuse, objet de fantasme...
Cette femme qui n'est pas sans rappeler Justine ou Juliette, permet à Sade, tout comme le fera plus tard un prêtre, de se livrer en toute liberté, de tout dire...
Et on se rend compte qu'il a un avis sur tout : le plaisir, la famille, la religion, l'éducation, la souffrance, la loi... Tout y passe.
Livrant ses pensées et sa philosophie, Sade qui semble être le symbole de l'homme du XVIII ème siècle, surprend par sa modernité.
Largement inspirée par ses écrits, la pièce permet de découvrir la personnalité complexe de l'homme de lettres. Il est à la fois inquiétant, non dénué d'humour, émouvant...
Sur scène, c'est Pierre-Alain Leleu qui donne vie à Sade. On peut dire qu'il est incroyable dans ce rôle qu'il maitrise à la perfection. Il est accompagné par la magnifique Dany Verissimo, avec qui il trouve, dans le rôle de la femme, une interlocutrice prête à tout entendre, tout subir ou provoquer.
Pierre-Alain Leleu et Dany Verissimo
(Crédit photo Lot)
Il n'en faut pas oublier pour autant la présence de Michel Dussarat, que l'on a souvent vu aux côtés de Jérôme Savary et, qui dans le rôle du prêtre, apporte toute sa singularité et son originalité à un personnage que tout devrait rendre austère.
Michel Dussarat, Dany Verissimo et Pierre-Alain Leleu
(Crédit photos Lot)
Michel Dussarat et Pierre-Alain Leleu
(Crédit photos Lot)
Il en est de même pour Jacques Brunet qui joue le rôle de Lossinote et que l'on prend plaisir à retrouver, lui qui a mis tout son talent à la disposition de nombreux réalisateurs et metteurs en scène.
Jacques Brunet et Pierre-Alain Leleu
(Crédit photos Lot)
La mise en scène de Nicolas Briançon est sobre et efficace. Elle sublime le jeu des acteurs et met en valeur un texte ciselée à la perfection.
Dans sa note d'intention, le metteur en scène, dont la présence sur ce projet est un gage de qualité, déclare :
"J'entends en permance, mais peut-être est-ce parce que je ne suis pas un "sadien" convaincu, un recul, un humour, une distance entre l'homme Sade et ses écrits. J'aime cette distance, j'aime ce recul et cet humour. Ce qui reste, ce qui frappe, c'est la solitude de cet homme. Ses angoisses et ses peurs. Son désespoir et son incroyable intelligence. C'est tout ce que j'ai retrouvé dans l'adaptation de Pierre-Alain Leleu. Et c'est cela que j'ai voulu montrer. Non pas une glorification du sadisme, mais la solitude d'un être. Son anarchisme désenchanté, sa liberté et son intelligence. Ses angoisses et ses peurs. Au risque de provoquer un peu, je dirai que c'est le petit garçon Sade, qui passe son temps à casser ses propres jouets, qui m'intéresse. C'est lui qui m'apparaît au travers de ses délires. Le choc d'un homme qui ne comprend pas le monde, avec un monde qui le rejette et le juge."
Certes, le langage est cru et il n'est pas à mettre entre toutes les oreilles.
Certains s'offusqueront de ce qu'ils entendront, refuseront les idées de Sade. D'autres y trouveront un écho à leurs propres pensées.
Mais quoi qu'il en soit, les sujets abordés permettent de susciter chez chaque spectateur sa propre reflexion. Et n'est-ce pas là ce qu'on attend d'un tel spectacle?
D'ailleurs, en introduction de son livre "Les 120 journées de Sodome", Le Marquis de Sade prévenait :
" Sans doute, beaucoup de tous les écarts que tu vas voir peints te déplairont, on le sait, mais il s'en trouvera quelques-uns qui t'échaufferont au point de te coûter du foutre, et voilà tout ce qu'il nous faut. Si nous n'avions pas tout dit, tout analysé, comment voudrais-tu que nous eussions pu deviner ce qui te convient? C'est à toi à le prendre et à laisser le reste, sans déclamer contre ce reste, uniquement parce qu'il n'a pas le talent de te plaire. Songe qu'il plaira à d'autres, et sois philosophe. Un autre en fera autant, et petit à petit tout aura trouvé sa place."
Que l'on connaisse ou non l'univers de Sade, la pièce donnera sans doute l'envie de découvrir ou de redécouvrir ses écrits et de s'intéresser à l'homme.
Et je ne peux que vous consseiller d'aller la voir.
D.A.F Marquis de Sade, une pièce de Pierre-Alain Leleu, mise en scène de Nicolas Briançon, avec Pierre-Alain Leleu, Dany Verissimo, Michel Dussarat et Jacques Brunet, au Ciné 13 théâtre 1 avenue Junot 75018 Paris, du mercredi au samedi à 21h30, le dimanche à 17h30
http://www.dafmarquisdesade.fr
www.cine13-theatre.com